Voici un texte philosophico-poétique, inspiré des poésies de Khalil Gibran*. Je souhaite questionner la thématique de la liberté des femmes, de l'égalité dans nos sociétés et de l'émergence de la part du féminin dans l'humanité.
Liberté, Égalité, Fraternité est la devise de la République française depuis la déclaration du Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. Face à l'échec de notre société à incarner réellement ces belles idées, je m'interroge sur le fait que les politiques de l'époque aient oublié** la moitié du genre humain : les femmes.Y aurait-il une corrélation entre cet oubli historique d'une partie et notre dédain chronique du tout ? La sororité parviendra-t-elle à faire émerger une société où hommes et femmes vivent ensemble dans la paix, une société non pas prétendument fraternelle mais humblement humaine ?
"Après le temps du féminisme, mouvement social dont on peut noter à la fois la nécessité historique et les limites, et après le temps d'une féminité artificielle exploitée par la publicité, l'heure est venue d'explorer le sens profond du féminin"***. Au-delà des combats éthiques, philosophiques et politiques, il est ici question d'un changement de civilisation. Depuis des siècles, les hommes nous promettent la paix et ils nous offrent la guerre. Et si l'éclosion du féminin était source de la paix ?
Je vous invite à lire avec votre coeur.
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Un orateur dit à Khalila : "Parle-nous des femmes".
La prophétesse répondit en ces termes :
"Aux portes de nos cités et dans nos foyers, je nous ai vues consternées par la domination masculine et revendiquer haut et fort notre liberté. Oui, nous voulons être libres de nous choisir. Libres d’agir selon nos désirs. Et pourtant, dans le jardin du Luxembourg comme à l’ombre de la mosquée Masjid al-Harâm, j’ai vu les plus libres d’entre nous porter leur liberté à la manière d’un joug et d’une paire de menotte. La burqa mentale des Européennes remplace bien des fois la burqa noire des Saoudiennes****. Le simple fait de désirer ardemment la liberté dans une société qui l'offre déjà n'implique-t-il pas, en soi, l'aveu de sa faillite ? Si dans le champ politique, la liberté se construit par le débat, voire le combat, dans le champ intérieur, la liberté émerge là où tout débat, ou tout combat, s'évanouit.
Mon cœur a saigné car nous ne pourrons nous choisir librement tant que nos choix seront adoptés selon les rôles édictés par la société du mâle. Nous ne pourrons agir librement tant que nos actions seront façonnées par des visions masculines des comportements féminins. Se représenter comme femme dans le regard de l’homme implique trop souvent l’artifice, le mascara et d'autres mascarades. Mais quand on rallume le feu intérieur du féminin, sans vouloir plaire aux hommes, ni jalouser d’autres femmes, la vraie beauté se donne à voir, sans fard et sans peur. Elle est un feu d’artifice naturel, comme notre joie spontanée, pourtant bien souvent étiquetée d'hystérie par des imposteurs en manque d'envies.
Entendez-moi bien, la liberté d’être femme n’est pas l’absence de stéréotypes mais bien notre capacité à nous élever au-dessus des stéréotypes, au-dessus de ces schémas qui enferment nos vies et encerclent nos cœurs. Si nous voulons détrôner l'homme prédateur, assurons-nous d’abord d’avoir détruit son trône érigé en nos coeurs. Car comment une société d'hommes pourrait-elle soumettre des femmes libres et fières si ces femmes ne révélaient une tyrannie dans leur liberté et une honte dans leur fierté ?
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Pour accéder à notre liberté, nous voudrions jeter des fragments de notre « moi », faire comme si nous étions des hommes, faire comme si tout était égal. Tandis que certaines revendiquent haut et fort que jamais elles ne seront des garçons manqués, d'autres démontrent, à bout de bras et de souffle, qu'elles sont bien des garçons réussis... Mais est-ce bien raisonnable ? N'entendons-nous pas, au fond de notre ventre, ce gémissement fébrile du féminin étouffé ? Pourquoi nier ainsi la profonde singularité que nous portons : le principe féminin qui se meut en nous dans une danse perpétuelle avec le principe masculin ? Et comment relier en nous énergies masculine et féminine si nous nions l’existence de notre féminin ?
Si le masculin crée la vie, le féminin la porte. Alors la porte, ouvrons-la ! Ouvrons-nous à notre corps, à nos sensations, à nos émotions. Reconnectons-nous à notre rythme, à nos cycles de l'Une, à notre intériorité. Retrouvons notre intuition, notre inspiration, notre mystère. Car la vie que nous enfantons, physiquement ou symboliquement, n'est-elle pas le plus grand des mystères ?
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Nous serons vraiment libres non pas lorsque nous ressemblerons aux hommes mais lorsque nous rassemblerons féminin et masculin en chacune et chacun. Car en vérité, tout se meut en nous, en complémentarité, dans une étreinte vague et constante : notre féminin et notre masculin, nos stéréotypes et nos archétypes, nos désirs et nos craintes, nos répugnances et nos préférences, les objets de notre quête et ceux que nous fuyons. Ces choses-là se meuvent en nous, lumières et ombres reliées deux à deux, comme des paires enlacées. Quand une ombre pâlit et s’évanouit, la lumière qui s’attarde devient l’ombre d’une autre lumière, plus grande encore.
Il est ainsi de votre féminin, qui en acceptant son masculin, devient un féminin plus grand*. Ne nous contentons plus de briller en réfléchissant le regard des hommes sur nous, mais rayonnons en émettant notre propre source de lumière. Ainsi, nous, femmes qui rêvons d'évolution, devenons des rêves-évolutionnaires ! Des femmes qui, embrassant leurs deux polarités, pro-créent une condition humaine supérieure. Un monde non reproducteur de dualités, d'inégalités et de cupidité. Mais un monde fécond de liberté effective, d'égalité ressentie et d'humanité partagée. Un monde de Femmes et d'Hommes complices pour faire éclore la vraie richesse : notre pleine Humanité.
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En cette date symbolique du 8 mars, une pensée pour toutes les femmes qui se battent pour leur liberté dans le monde - sans oublier tous ceux qui les soutiennent et se battent à leurs côtés.
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* Ce texte a été inspiré par Khalil Gibran, écrit par Solenn Thomas et revisité par Ryadh Sallem. Il a donc trois auteurs.
** L'absence des femmes dans la déclaration des droits des hommes et des citoyens n'est pas un oubli mais un souhait délibéré des parlementaires de 1789. Olympe de Gouges a été exécutée à l'époque pour son affront dans sa proposition de compléter le texte par celui des droits de la femme et de la citoyenne. https://fr.wikipedia.org/wiki/Déclaration_des_droits_de_la_femme_et_de_la_citoyenne
*** Page de couverture du livre "Le Féminin de l'être" d'Annick de Souzenelle.
**** Il est évidemment nécessaire de combattre sans relâche le voile intégriste de quelqu'unes. Mais dans ce combat, n'oublions pas d'agir aussi contre le voile mental de toutes et tous.
* ...Et vous messieurs, il en est aussi ainsi de votre masculin, qui en accueillant son féminin, devient un masculin plus fort encore.
Cet article a été écrit et publié le 8 mars 2017 sur le profil Linkedin de Solenn Thomas. Il est toujours d'actualité...