Satori est un vagabond qui ramasse les petits bouts de nous qu’on fait tomber en marchant dans la vie. Un jour, il ramasse un cri. Il l’emmène dans une grotte où le cri devint un fruit. L’arbre le prend et le met sur sa plus belle branche.
« Mais le vent vint à passer et huma le parfum du fruit. Il voulut l’emporter mais le fruit était solidement attaché à l’arbre pour lequel il était né. Alors le vent s’adressa à Satori :
« Ta petite chose est trop lourde pour que je l’emporte. Mais si tu la fais plus légère, je l’emmènerai au-delà de ce pays, je la ferai rouler sur le sable des dunes, dans les vagues de la mer, je lui ferai connaître les sommets des montagnes où les neiges sont éternelles. Ici qui peut entendre ta petite chose ? Rien que cet arbre grincheux qui n’a jamais vu plus loin que son carré de forêt et ces arbres qui lui ressemblent. Elle mérite plus loin. »
L’arbre se fâcha et en fit tomber le fruit, qui se brisa. Satori le ramène dans la grotte, et en sort avec une libellule.
« Tiens, dit-il au vent, emporte-la au-dessus de tous les arbres, qu’elle caresse leurs branches les plus secrètes, là où même les oiseaux ne s’aventurent pas. Emmène-la dans les pays où il n’y a plus d’arbres. »
La lumière du désert la perce à son trou, et dit à Satori :
« Laisse-moi emporter ta petite chose, elle est trop fragile pour vivre dans le vent. Le vent est coléreux et imprévisible. Elle se déchirera. Mais elle est trop fade pour moi, donne-lui des couleurs, je la ferai chatoyer dans les plus belles vallées. Elle rendra jalouse l’automne, et tous les lacs voudront la refléter ».
Sous la colère du sable, la libellule devient rose des sables. Satori la ramène à la grotte où elle devient papillon.
« La lumière n’avait jamais vu de pareilles couleurs. Elle tourna autour du papillon et le fit chatoyer dans son vol, au-dessus des lacs et des campagnes. Satori crut alors que Petite Chose avait enfin trouvé son vol, et il la suivit jusqu’à la fin de la saison.
La fente dans l’aile gauche formait comme un œil qui s’ouvrait et se fermait à chaque battement d’aile. Petite Chose ramenait aux clairières la fraîcheur des lacs, aux lacs les secrets des marécages. Les paysages apprenaient à se connaître et s’échangeaient une gouttelette, un brin d’herbe, une graine, qu’ils coinçaient dans la fente du papillon. »
Le papillon un jour tombe dans un jardin et sous le regard d’une femme qui dit à Satori :
« Ta petite chose est si belle. Mais elle s’agite trop. On n’a pas le temps de voir ces couleurs qui viennent d’un autre monde et qui changent sans cesse. Confie-la moi, je la planterai là, elle sera la reine de mon jardin. Les abeilles butineront son pollen et elle se multipliera. Il faut que tout le monde puisse profiter d’une telle merveille ».
Le papillon s’accroche aux clôtures du jardin et se déchire. Satori l’emporte dans la grotte et en ramène une fleur. La fleur devient célèbre mais aucune abeille ne vient la butiner. La suite… vous la connaîtrez si un jour ce conte est publié !
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DE QUOI PARLE-T-ON ? Un podcast
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Faire entendre ce dont les gens parlent à une même heure de la journée, dans différents quartiers d’une ville ou coins de campagne. À l’heure où nos sociétés sont de plus en plus cloisonnées, où on s’enferme dans des entre-sois, donnons à entendre ce qui nous différencie et ce qui nous lie. À chaque épisode son heure, et un montage de conversations informelles. Capter le coeur d’une société plurielle et traversée par les mêmes questionnements. Faire le portrait des grandes villes comme des centres désertés des moyennes villes, des banlieues comme des hameaux de campagne, des terrasses grouillantes de touristes comme des cafés de quartier, des marchés comme des villages abandonnés hors saison.
ÉPISODE 1 : De quoi on parle le mardi à 18h ?
Sortie de bureau, wagons de métro/tram, rues, cafés. À la même heure, en pleine campagne/montagne, un berger rentre son troupeau, un agriculteur éteint sa machine, se retrouvent au village… conversations.
ÉPISODE 2 : De quoi on parle le dimanche à 11h ?
Terrasses de cafés, parcs, promenades familiales, parents-beaux parents…
ÉPISODE 3 : De quoi on parle le mardi à 15h ?
Dans les parcs : les retraités, les demandeurs d’emplois, les étudiants… ceux qui vivent sur une autre temporalité
ÉPISODE 4 : De quoi on parle à la sortie des cours ?
Poser son micro à la sortie de différents lycées de plusieurs villes jeudi à 16h30. Bribes de conversation des étudiants, des professeurs…
ÉPISODE 5 : De quoi on parle la nuit ?
Sortie des restaurants, des boîtes de nuits, des gardes de nuit, des centres de tri des postes, etc.
ÉPISODE 6 : De quoi on parle à 6h du matin ?
Les ouvriers déjà sur les toits qui sont passés prendre leur café dans les lieux qui ouvrent très tôt, les femmes de ménage dans le RER, etc.
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MES TEXTES DANS VOTRE BOÎTE AUX LETTRES
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Je crois à la vertu de ruminer les textes, de les déposer et les reprendre plus tard. Presque tous mes textes peuvent être lus des années plus tard car ils ne s’ancrent pas dans l’événement Sur écran, c’est presque impossible, tant nous sommes pris dans le flot du moment. Plus de la moitié des personnes inscrites sur mon infolettre ne la reçoivent pas (spamée). Une bonne partie n’a pas le temps d’ouvrir le mail, ou se dit que ce sera pour plus tard. D’autres encore ne lisent pas sur écran, et comme je les comprends !
Alors que deux ou trois feuilles A3 pliées en deux déposées sur la table, on peut les reprendre. J’aimerais pouvoir vous offrir cette expérience. C’est aussi pour moi une manière de mettre ensemble dans un même numéro des textes qui résonnent entre eux, se répondent, contrastent ou se complètent. Une fois par saison, un rendez-vous loin des écrans qui résonne avec le vivant.
DANS LA LOGE DE L'ARTISTE
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Créer un média qui parle des artistes et les diffuseurs en dehors de la promotion, où on n’ait plus besoin de créer une belle vitrine attractive, mais où on puisse raconter les choses telles qu’elles sont et essayer de trouver des solutions. On y décrirait les conditions de travail des artistes pour refonder le rapport avec le public, on y poserait les bonnes questions en interrogeant les noeuds les problèmes avec des acteurs de tout bord. On y proposerait des solutions et on montrerait d’autres manières de faire. On y donnerait une place de choix aux créateurs qui investissent les lieux en dehors de la production culturelle, pour avoir un impact social direct : clowns en hôpitaux, artistes en prisons, etc.
Ce média serait :
- un lieu de débat entre artistes et acteurs du secteur culturel pour discuter des enjeux et imaginer d’autres manières de faire
- un espace d’expression pour que les artistes racontent leur métier
- un lieu de mutualisation des expériences pour reprendre conscience de notre condition commune
- un lieu de rencontre avec le public en dehors de la promotion pour que le public découvre la réalité du métier d’artiste et que l’artiste soit attentif aux besoins du public
Domaines artistiques visés :
- auteurs compositeurs interprètes + musiciens
- écrivains
- comédiens
- photographes, illustrateurs, sculpteurs, arts visuels.
- gens du cirque, danseurs
LETTRES D'UNE GÉNÉRATION
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Né pendant le premier confinement, ce média a tenu un an avec une équipe de bénévoles qui travaillaient à distance. Il est toujours en ligne à
Dans une société où les générations sont cloisonnées, lycéens et jeunes adultes sont de plus en plus cantonnés à être des consommateurs passifs de savoir plutôt que des citoyens en devenir, prêts à s’intégrer dans à un monde qu’il nous faut pourtant réinventer. Ils ont pourtant un regard aiguisé sur notre époque, et méritent d’être pris en compte dans le débat public.
Ce média se voulait être une fenêtre d’accès au regard que portent les adolescents et les jeunes adultes francophones sur notre époque. Les 15-25 ans de toute la francophonie sont invités à écrire une lettre à un destinataire qui ne peut pas répondre (un personnage du passé, un sentiment, un phénomène de société, un objet, un lieu…).
Avec ce média je voulais :
- offrir aux jeunes un espace d’expression par les mots, en dehors du cadre scolaire. Un lieu d’échange et de découverte où chacun pourra lire la parole d’autres jeunes, près de chez eux, aux quatre coins de leur pays et même au-delà
- offrir aux parents et enseignants une fenêtre d’accès à ce que pensent et ressentent leurs enfants et leurs élèves. Leurs préoccupations dans un monde qui les inquiète, leur rapport aux adultes, aux gens de leur âge, leur étonnante autocritique, leurs relations aux autres et leur capacité à plonger en eux-mêmes.
- offrir aux acteurs de l’éducation, animateurs, coachs sportifs, artistes, thérapeutes, enseignants, des outils qu’ils peuvent appliquer dans leurs domaines.
- offrir à tout citoyen soucieux de construire un autre monde un laboratoire de réflexion sur la société de demain, un poste d’observation des malaises de notre époque et de ses potentiels de guérison.
- offrir à tous la puissance des mots et de l’écriture pour réapprendre à faire société.
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QUELQUE CHOSE TOMBE ET CE N'EST PAS LA NUIT
Un photographe et d’une directrice de presse, qui mesurent l’écart entre leurs rêves de raconter le monde, et le réel. Chacun dans une lutte pour exister sans se trahir, ou en assumant ses trahisons.
C’est peut-être une promesse d’orage. Quelque chose que l’air annonce et à laquelle personne ne prête attention. Ça s’installe tranquillement. Ça a tout son temps. (…)En lui perçait de plus en plus fort cette sensation accrue de n’être qu’une version de lui-même, parmi toutes celles qui vivaient en lui. La vie qu’on mène n’est qu’un possible qui a eu de la chance.
Pour la première fois il découvrait à quoi il participait chaque jour. Les visages fermés, les pieds qui savent où ils vont, cette sévérité avec laquelle tout ce monde marchait, se contournait les uns les autres pour ne pas se faire ralentir, le sérieux avec lequel tout cela avait lieu… comme s’il s’agissait de quelque chose d’important. On aurait dit des enfants dans leur cour de récré, appliqués, plongés dans leurs petits drames, alors que tout autour, le monde s’effondrait.
(…) Bien sûr, elle avait couché utile. Quelques mois avaient suffi pour ouvrir les bonnes portes. Les hétéros en couple la prenaient pour une expérience originale et savaient qu’ils ne risquaient pas le drame. Elle opérait froidement, avec un enthousiasme glacé. Elle n’avait plus rien à perdre. Seulement à se jeter dans une vie qui n’était pas la sienne,
– Sois pas fâché, mon ange. Écoute, moi aussi j’ai voulu changer le monde. Des idées j’en avais à l’heure. Résultat (…) Le public bouffe ce qu’on lui donne à bouffer. Il ne cherche pas à être interpelé, il cherche à être conforté dans ce qu’il pense déjà. La vérité, les gens en veulent tant qu’elle leur dit qu’ils ont raison. Ils ne veulent pas être informés, ils veulent avoir l’impression d’être informés.
– C’est à ça que tu passes tes journées ?
– Et une partie de mes soirées.
– Qu’est-ce que t’as fait de la fille qui arpentait l’Argentine avec sa casquette militaire et son gilet de photographe trop grand pour elle ?
– Je l’ai rangée dans mon album de souvenirs. Les rêves aussi ça vieillit, à force de se casser la gueule (…) Tu sais à quoi ça tient ? Au bon timing. Suffit pas d’avoir les bonnes idées, faut arriver au bon moment. Toi et moi on avait juste pas la bonne montre. N’oublie jamais : personne n’a besoin de toi. »
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CHRONIQUES DE TERRASSE
À différentes terrasses d’une ville, un narrateur anonyme observe du matin à la nuit le flot des passants et les scènes qui se jouent. Depuis son petit coin de trottoir, il est le témoin d’une société où on ne sait plus attendre ni observer, où la vitesse efface le lien au lieu, et où pourtant, les gens se cherchent encore. Cliquez ici pour écouter la version sonore.
Le narrateur fuit l’identité. Il esquisse des personnages qui durent le temps d’un verre. D’un homme qui sort de prison à un autre qui veut traverser la mer pour gagner l’Europe, d’un vieux qui refuse de finir en maison de retraite à un autre voit son village se vider, les personnages se posent un instant à la terrasse de leur vie.
À la terrasse, je m’offre le luxe d’aller nulle part. Je prends de mes nouvelles au cœur d’une ville qui ne sait pas que j’existe. Ni dehors ni dedans, je cultive l’attente au milieu du passage. Ni vraiment dans la rue, ni tout à fait quelque part, j’ai rendez-vous avec la ville entière.
Investir l’espace qui éventre la rue, qui interrompt le flot, qui installe une intimité indécente en plein milieu du passage. Saisir les gens hors de chez eux, de leur bureau, de leur institution, dans des moments parenthèses où ils se révèlent par leurs gestes. Enterrasser l’humain pour voir ce qu’il en reste.
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ENFANTS DU MÊME BROUILLARD
Une série de textes qui saisissent des personnages de chaque côté du système de production néolibéral. Un paysan écrasé par les dettes qui va chercher la corde dans la grange, un enfant qui travaille dans les mines d’Afrique, un employé anonyme d’une grande entreprise qui s’apprête à disparaître, une fillette qui attend un mari qui pourrait être son père, un jeune homme qui semble tout réussir et plaque tout un soir une autochtone qui chante devant le site sacré de ses ancêtres transformé en terrain de golf, un facteur qui n’a plus le temps de connaître ceux à qui il distribue le courrier, les mères d’Argentine qui guettent leurs enfants dans les champs de Monsanto et celles du Canada devant la route où sont enlevées leurs filles, les villes et villages chinois rasés pour créer le plus grand barrage du monde, une personne qui se fane dans une maison de retraite.
Ils avaient tous l’air d’enfants du même brouillard, piqués au même endroit par un insecte qu’il aurait voulu appeler Misère. Mais misère était un mot trop grand. C’était un mot pour ceux qui avaient la peur ou la faim au ventre, ceux qui couraient pour sauver leur peau. Parfois il se disait qu’il y avait peut-être une autre sorte de misère. Une misère pour ceux qui avaient un toit, un travail, des amis, une famille, la santé, qui pouvaient aller au cinéma le samedi et en vacances deux fois par an.
Pour ce fléau, il n’ y avait aucune statistique, seulement des symptômes. On les appelait burn-out, bore-out, dépression, stress, hyperactivité. C’était un affaissement de chaque élan, qui décroche les volontés, qui éteint les possibles. Presque une pauvreté du vivre. Une lamentation de chien qu’on faisait taire d’un coup de talon. Elle se répandait en sourdine, cette vague qui n’avait pas droit au nom de misère.
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